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Octobre 2001 N° 16

 

 

 Fely Dereyne
(collection famille Vinay)

 

 

"Portraits" évoque la vie de quelques habitants du quartier dont l'histoire n'a pu être intégrée dans les précédents numéros de La Butte Bompard : artisans, artistes, collectionneurs, souvent plusieurs générations d'une même famille bien implantée sur la colline.


Oubliés par le grand public, ces artistes "d'avant guerre" sont toujours vivants dans la mémoire des habitants du quartier.
Lilou Star (qui a produit un disque), la "Quique", fleuriste des vedettes, les sœurs Nardone, danseuses (toutes habitaient rue Perrinet-Pey).
La Palma chanteuse, vallon de l'Oriol
Au 62 bd Bompard, Mme Orsini et René Grassi (alias Ergé, chanteur)
Marthe Marty (sœur de Geny Helia, rue Aicard)
Ernest Carpita, ténor d'opéra (voir Vie religieuse "L'Avant-Garde" page 8)

 



Plusieurs consuls ont élu domicile jadis dans de belles villas de ce quartier tranquille et résidentiel :
-Constantin Spissarevki, chancellerie de Bulgarie, au 4 rue des Flots Bleus en 1928.
-Ed Vicars, consul général de S M britannique en 1922, puis S S Edward Dickson, consul d'Angleterre en 1924, au 107 bd Bompard/14 rue Bon Voisin, villa Bellevue.
-Victor Rouvier (de Nossi Bé), consul honoraire du Portugal au 84 bd Bompard en 1928
-Le consul d'Angleterre au Vallon de la Baudille.
-Un autre consul rue Va à la Mer

 

 

Ces documents (aimablement fournis par M Testot-Ferry complètent l'article paru dans "La Butte Bompard" Les rues N° 2 (p 8 : La Mélisse).

 


 

 

 

 






Conservé depuis 1956 par les descendants de la famille Thomas, un article paru dans "La Marseillaise" raconte la vie d'artiste d'Auguste Thomas, frère de Marius, le cordier.

Complètement illettré mais intelligent, cet acteur  composa une pastorale en vers provençaux (il apprenait ses rôles avec l'aide de sa femme). Il créa et interpréta le naïf Bartoumieou de 1861 à 1890, puis vécut une longue et paisible retraite au 50 Bd Marius Thomas.

 


   Autoportrait (collection J Racol)

Etienne Mein
(né à Allauch en 1865, décédé à Marseille en 1938). Il habite Bompard de nombreuses années avec son épouse, institutrice. Un tableau exposé au Musée des Beaux Arts représente son atelier, sis quai de Rive Neuve. Son fils Jean, professeur de musique au Conservatoire épouse lui aussi une institutrice, Madeleine Chave titulaire à l'école Plateau Bompard.

 

9 rue Bon Voisin.

Le panorama  qu'offre la terrasse de cette maison  permet à l'artiste d'évoquer le vallon de l'Oriol dans une peinture pleine de sensibilité. Il immortalise sa rue avec la même délicatesse (voir La Butte Bompard N°2 - Les rues - couverture). L'observation de vagabonds sur la Corniche lui inspire une œuvre toute en finesse.

 


 

 

Au mur deux projets d'affiches de David Dellepiane
-Chamonix-Mont Blanc
-Voyages en Algérie et en Tunisie par la Cie Gle Transatlantique
et une sculpture de Jean Baptiste Dellepiane
 

La sculpture ci-contre conservée par la famille Monaco (voisine des Dellepiane, rue de l'Etoile), a l'allure d'une proue de navire (spécialité de l'aïeul Victor Dellepiane).

 

 

Le petit musée de Louis Dellepiane.

 


Dans un angle du salon (photo ci-contre) les souvenirs de famille, plus loin la cheminée décorée ainsi que de nombreuses faïences (assiettes, tasses) rappellent que le maître de maison a été élève de son oncle David.

 


"Mon évolution vers le santon date de 1914, veille de Noël ; tandis que je terminais ma crèche j'eus, ce jour, l'idée de dessiner les santons qui figuraient à l'étable sainte. Après avoir réalisé quelques croquis, j'eus l'impression d'une révélation. Tout ce long travail date de dix-huit ans… et me voilà devenu l'imagier des santons" David Dellepiane.

 

 

 

Les Dellepiane, une famille d'artistes.

Issu d'un père dessinateur et d'une mère brodeuse en or, Victor est sculpteur sur bois, spécialiste en proues de navires. La légende familiale raconte que ce garibaldien, génois et réfugié politique, bien qu'incroyant, fut un jour convoqué par l'évêque afin de refaire la statue de la Vierge Noire ! (il habitait alors le quartier de la Tourette/Major).

Son fils aîné Jean Baptiste est lui aussi sculpteur tandis que le cadet entre aux Beaux Arts de Marseille (1876). L'œuvre de David comprend de nombreuses toiles, mais aussi affiches et calendriers. En 1914, "il a la révélation de la potentialité picturale des santons".

Louis vit à côté de son oncle David, rue de l'Etoile (Perlet) ; il trouve là l'inspiration pour ses faïences d'art.

 

Les Dellepiane ont occupé le 17 puis le 24 rue de l'Etoile durant la première moitié du XX° siècle tandis qu'au 12 de cette rue travaillait le santonnier Urbain Truffier (autour de 1930)




Les accessoires des santons habillés sont fabriqués traverse Chanot par Jean Vidil et sa famille : objets traditionnels (tambourin, lanterne, journal…) et outillage d'artisans (châssis du vitrier, enclume, lunette astronomique…).


Avenue David Dellepiane (peintre dont le nom évoque les santons), André Pieri a réuni plus de 2000 santons provenant de tous les pays.



Grande affiche (1x3m) -gala de Montpellier 1909- oubliée dans une charbonnière, sauvée et restaurée par la famille Vinay-Dereyne (Dereyne nom de scène de la cantatrice au port de reine).

Le press book de Fely Dereyne permet de suivre sa carrière entre 1903 et 1920,
- tout d'abord en France:
Marseille, Carcassonne, Nice, Wimereux, Vichy, Cauterets, Montpellier,
- puis à l'étranger:
Metropolitan Opera de New York, Royal Opera où elle chante à côté de La Melba (programme ci-contre), Real Theatro S. Carlo de Lisbonne ).

 

 

Fely Dereyne a prêté sa voix de mezzo à Stefano (Romeo et Juliette), Siebel (La Vie de Bohème), Urbain (Les Huguenots). Ses nombreuses interprétations : Werther, Louise, Carmen, La Bohème, Mignon, Pagliacci ont en tous lieux généré des critiques élogieuses.

 


Le jardin de la villa St Louis, vallon de la Baudille, propriété de Fely Dereyne
 

Fely Dereyne en famille
(son neveu Guy Vinay, sa grand mère, sa mère, Fely et sa jeune sœur)
à l'entrée de la villa St Louis.




 

Sur cette affiche de l'Alcazar, on peut lire le nom de Claude Robert-Trébor et de Marcel Dubel… si leur histoire commence dans ces lieux prestigieux de l'opérette marseillaise, elle se poursuit dans le quartier Bompard.


La famille Robert-Trébor règne sur le Théâtre Music-Hall de l'Alcazar dès 1950 : E Robert-Trébor monte les spectacles, règle les mises en scène, organise les tournées tandis que son épouse s'occupe de l'atelier de couture et sa fille Claude joue dans les spectacles. Les chœurs et orchestre sont dirigés par Marcel Dubel qui deviendra bientôt le gendre des Robert-Trébor (voir aussi La vie religieuse N°7 "L'avant-garde" , page 11).

 


      E. Robert- Trébor

    Claudie Trébor 


     Marcel Dubel


Richard Dubelski, fils de Marcel Dubel et Claude Trébor baigne depuis l'enfance dans une ambiance musicale. A l'âge de 5 ans, il joue déjà pour ses copains de la maternelle La Gavelière (il accompagne à la batterie son père qui interprète au piano le hit des années 60 "América").

…à l'expression musicale inventive

"Monté" à Paris pour réaliser une carrière, il devient créateur d'une expression musicale globale : théâtre, musique, expression corporelle (mêlant mots, syllabes, musique, sons, gestes…)

 


Cl. Trébor dans "Issue de secours", de R. Dubelski (Friche Belle de Mai 1999)
 

Créateur de la Cie Corps à sons en 1993, Richard Dubelski s'exprime comme percussionniste-comédien (Vol d'origine, Je tu), metteur en scène (Je demain), compositeur (Les Dix paroles).

 




FRANCIS DRESSE


D'origine belge, ce ténor d'opérette commence sa carrière en 1938 sur la scène du Théâtre Royal de Liège. Il vient chanter pour la première fois à Marseille en 1951 ; charmé par la ville, il s'y installe, traverse Mathias. L'Opéra de Marseille lui permet de se faire apprécier pendant près de vingt cinq ans dans plus de trois cents rôles. De nombreuses voix françaises l'ont eu comme professeur de déclamation lyrique au Conservatoire National de Marseille.




Son épouse Léa Carel, danseuse étoile belge, a dirigé des cours de danse
pour les jeunes filles dans les locaux de l'Avant-Garde.

Leur fils Christian a fait son apprentissage chez JP D'Urso,  193 rue d'Endoume, travaille comme photographe pour l'Opéra de Marseille, fait du théâtre et chante.


 

 

Dans les serres 19 rue de l'Ecole

 

Attiré par la botanique, le jeune Jean Ferralin se fait engager au début du XX° siècle par Claude Montel, propriétaire de serres tropicales, puis par le Jardin Botanique du parc Borely.

Sa passion pour la culture des cactées, orchidées et autres plantes rares s'épanouit par la suite à Bompard, 19 rue de l'Ecole

 
 

Un article paru dans le Provençal du 19 juillet 1968 annonce la floraison dans les serres de la rue de l'Ecole, d'une plante originaire de la jungle mexicaine -l'orchidée éléphant- considérée comme une divinité par les Mayas !



Les tropiques


Dans les serres. Photo "Le Provençal"

J. Ferralin soigne tout particulièrement l'ouvirandre, plante-dentelle que lui a offert Mr Tsiranana, président de la république malgache. Ce spécimen rarissime qui pousse dans une seule rivière de Madagascar, vit ainsi à Bompard dans un aquarium alimenté en eau de pluie, à température constante (25°).


L'éminent botaniste possède aussi une cactée du Mexique, le peyolt lophophora williamsii, hallucinogène qui rentre dans la composition du sérum de vérité !


Dans l'ambiance tropicale, rue de l'École vivent aussi quelques animaux exotiques.




 

 

 


Dominique Piazza invente la 1° carte postale illustrée le 4 août 1891. Il habite alors au 26 rue Ste Eugénie. Il imagine ce moyen économique pour expédier des photos à son ami d'enfance exilé en Argentine (collection Mme Bohor, parente de Paul et Marie Louise Coulomb photographiés en médaillon, dont la tante Hortense Lubrano possédait la poissonnerie 233 rue d'Endoume).
La famille Piazza habite rue Nicolaïs et Ste Eugénie de 1860 à 1902. D Piazza devient à 34 ans président-fondateur des Excursionnistes Marseillais (1896).

 


photo prise par Antoine Nesmes - collection Raymond Orcières


Baptistin Bonavia, président des "Excurs" de 1963 à 1970 découvre dans les archives de cette société, à son grand étonnement, l'inscription de son arrière grand-père Vincent Filippi, parrainé par Dominique Piazza ; ils étaient voisins dans la rue Ste Eugénie.

 

 


Restaurant pascal – sa cuisine provençale au feu de bois

 


Six générations de Filippi-Bonavia se succèdent ensuite à la rue du Soleil, dont Ambroise Bonavia. Le destin de cet homme simple et discret (au centre de la photo ci-dessus) est lié jusqu'à la guerre de 39/45 au célèbre restaurant Lambert-Pascal, place Thiars.

La Provence Hôtelière et Touristique de février 1922 décrit ainsi le grand gala gastronomique du Syndicat des patrons d'hôtels, restaurants et cafés de Marseille organisé en l'honneur de Brillat-Savarin et à la gloire de la cuisine française: "cuisiniers, pâtissiers se surpassèrent en cette mémorable soirée qui n'avait certainement jamais eu de précédent et qui n'aura vraisemblablement pas de lendemain…"
Le banquet : "la vieille Maison Marseillaise Pascal (centenaire) nous fait à son tour apprécier ses artichauts à la barigoule, préparés et servis selon la tradition locale par les soins du chef A Bonavia."
Les buffets froids : "une mirifique exposition culinaire s'offre aux regards éblouis de l'assistance dont   les Galantines de Volaille exécutées à la mode de Bugey par A Bonavia d'après la vraie recette."

 



Les propriétaires du 120 Bd Bompard

1920 : villa Arax, propriétaire M Tékian (le fils a fréquenté les Beaux Arts avec David Dellepiane)

1933 : M Bonhoure, le "millionnaire" avignonnais, coiffeur et gagnant du 1° tirage de la Loterie nationale (7/11/1932).

Suite à cet événement Mathilde Delchini (Vidil) fait jouer aux jeunes du patronage "Les millions de Pitalugue"





1955 "Le secret de Nadine" au patronage du vallon de l'Oriol

Mise en scène de Mlle Méla, avec Colette Brandi et Colette Farno ; les costumes ont été aimablement prêtés par la maison Aristide Boyer.

La famille du costumier occupe la villa "Ciel d'Azur" 120 Bd Bompard et fréquente la paroisse St Cassien.

Plusieurs générations de Boyer portant le même prénom Aristide, gèrent le commerce sis rue des Picpus jusqu'en 1982 (date à laquelle les entrepôts sont démolis en vue de l'extension du Palais de Justice).

1942-44 : la villa des Boyer est occupée par l'armée allemande, puis par les FFI à la Libération.

1960-1990 : la propriété est morcelée, lotie, vendue.


  

Habillée à l'ancienne, portant un bonnet empesé avec des tuyautages au fer à friser, Grand mère est photographiée par B. Bonavia en 1923.

A la même époque, Mme Flachon pose dans le parc de La Réserve, vêtue du costume provençal et de la coiffe arlésienne. (collection Cl Pieri-Dutap)



Villa Lovely au vallon de l'Oriol-1910.(collection Mme Castella)



Un crime presque parfait.

Le 6 mai 1891, le commissaire d'Endoume est appelé pour constater le décès d'Anna Faure, villa Rose, chemin du vallon de l'Oriol.

Servante du couple Cournot-Clémencel, la jeune fille s'est noyée, sa perruche à la main, dans un bassin encadré par deux escaliers. Le lendemain, lors de la reconstitution, il est établi que le jour de son décès, Anna est allé accompagner la petite Clémencel à l'école du vallon, puis s'est rendue chez le droguiste-cabaretier Besson (2 rue Peyronnet) pour acheter de la ficelle. La marchande de journaux a vu la dame Clémencel quitter la villa, fermer la porte à clef (on note qu'il existe une porte secondaire traverse Chanot) et prendre l'autobus à chevaux ainsi que Cournot. Le Dr Flaissière conclut à un accident.


Lors du 4° examen de la villa, le juge d'instruction est en mesure d'établir la culpabilité de Cournot. Voici des faits à sa charge:

- Auteur de plusieurs escroqueries, il a réussi à se fabriquer un casier judiciaire vierge ; il n'a pas voulu payer l'enterrement de sa 1° épouse !

- Employé des tramways, il gagne 0,95 f/mois et loue (pour le standing) une villa 100 frs au vallon (il habite place d'Aix)…

- Il a recruté dans les Alpes "j. f. 20 ans, physique agréable, discrète, ne connaissant personne à Marseille"

- Il contracte pour son ami Ardisson (amant de la dame Clémencel), une police d'assurance sur Anna, la signe à la villa et verse la 1° échéance…


Le 4 juin, après une période d'isolement, sans interrogatoire, la dame Clémencel souffrant de ne plus voir sa fille craque : Ardisson n'est qu'un tricheur, c'est Cournot qui a tué Anna. Et elle raconte : le jour du crime, Cournot a demandé à la jeune fille de venir l'aider à mesurer le bassin avec la ficelle achetée chez Besson, la pousse, lui maintient la tête sous l'eau. On fait alors cacher le peignoir rose d'Anna chez Ardisson, rue Nègre (peignoir que la jeune fille portait le jour de la signature de la police d'assurance).


Le jugement est rendu le 22 décembre 1891 :

- la dame Clémencel, âgée de 25 ans est condamnée à 15 ans de travaux forcés. Cournot, âgé de 38 ans est condamné à la peine capitale et exécuté quelques mois plus tard.

- on ne sait pas ce qu'il advint de Nicolas Ardisson, marchand de grains, âgé de 55 ans, bien que cette histoire ait fait le objet d'une complainte.




Portrait d'enfant avec chaufferette (1926)
en toile de fond Marseilleveyre et la plage

collection Claudie Pieri-Dutap
 
 Textes et documents photo, composition:
Monique Bonavia-Michelet

Éditeur "La Butte Bompard"

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