Campagnes et rocailles Imprimer
La vie autrefois

Octobre 1999 N°4 

 


Le village d'Allauch
Rocaille, bd Bompard

 

ARCHITECTURE

La plupart des maisons bâties sur la colline au cours du 19° siècle, cabanons ou "campagnes", n'ont pas été construites selon une architecture particulière.

Le cabanon, à l'origine abri agricole au milieu des champs et logement secondaire de l'agriculteur travaillant loin de son domicile, a servi de modèle aux Marseillais allant passer le dimanche à la campagne : pièce unique avec une porte et une seule fenêtre. Les agrandissements entrepris lorsque l'occupation de la maison devient permanente, lui font perdre son style champêtre sans la rendre semblable aux maisons marseillaises du centre-ville.


La "campagne" ne se différencie du cabanon que par l'étendue de la propriété l'entourant. En effet, ce mot doit son origine à la langue provençale : campagno y désigne une maison au milieu de terres cultivées. La petite construction originelle une fois agrandie est appelée modestement "campagne" par ses habitants. Assez hautaine, selon G H Gimmig, pourvue de grandes terrasses à balustres, de portes et fenêtres ornées de sculptures, de kiosques, tourelles et bassins, elle est appelée plus pompeusement "château" par le voisinage. En aucun cas le terme de bastide n'est utilisé ici, comme cela se pratique dans d'autres coins de notre terroir.

Les rocailles : cette fantaisie architecturale née, à la fin du 19° siècle de l'imagination de maçons, italiens pour la plupart, se retrouve dans de nombreuses propriétés sur la Garde. Elles permettent à tous de rêver en donnant aux maisons et aux jardins un caractère fantastique. Ainsi apparaissent sur les façades des tours et des créneaux, de faux troncs soutiennent les terrasses, aux volets en ciment s'accrochent chapeau, morue et nid de guêpe.


Sur la colline, les habitants nomment leur résidence, grande ou petite, villa (campagne "fardée" où le naturel a disparu) et la dotent d'un nom, reflet inconscient de leur personnalité.

 

Cette porte cochère a laissé passer de nombreux fiacres, traverse Pey, au temps où de somptueuses fêtes se déroulaient à la villa, dans un décor d'opérette.

 

 


La belle porte d'entrée de la villa Rose, bd Bompard.

 

NOMS DES VILLAS
relevés dans l'indicateur marseillais entre 1885 et 1936


Les sympathiques : Rieuse, Bienvenue, Fleurie, Gracieuse, Mon Rêve, Chimères.
Les amoureux de la Provence : l'Oustalet di Tereso, lou Paradou, Miromar, Mi Quinta, Mireio, Bastidoun, la Souleiado, Sole Mio. Et d'ailleurs : Kervor, Rhodanie, la Gimontoise (Gimont, dans le Gers).
Les rêveurs : Mon Etoile, Vega, Rayon Vert, Saphir.

 

 

Les amateurs d'histoire de France : Alsace-Lorraine, la Marseillaise ou de religion : St Vincent, Jeanne d'arc, Assomption, Providence, Pieuse, Stella Marie ou de l'antiquité  Isis, Hélios.
Les voyageurs : Gambie, Nossi-Bé, Oasis, le Cap, Souvenir, Mabrouka. Les satisfaits : Montplaisir, Sans Rival, la Rivale, Psyché, Mon Coin.
Les mélomanes : Carmen, la Tosca, Mignon, la Bohémienne, Esmeralda, Grisélidis, Interlude, (pour un couple de musiciens), les Larmes de Pierrot (pour un chanteur).
Les amis des animaux : la Souris, l'Abeille.
Les "fiers de leur jardin" : Printemps, les Jardinets, Valfleur, la Violette, les Iris, Mimosas, Chrysanthème, Pâquerette, Magnolia, Myosotis, les Lotus, la Roseraie, le Pin, les Amandiers, le Figuier, les Paulownias, la Ramière.
L'architecture à la mode : Chalet Ste Rosalie ou encore Rusticana.

 


La mer est leur plaisir : Naïades, Eden, Valmer, Le Rocher, La Vague.
En hommage à leur épouse : Emilie, Anna, Margot, Blanchette, Thérèse, Laure.
L'anglomanie : My Home, Lovely, Sweet Home, Villa Cottage, Cottage Livia, Cottage Fleuri, Pymger Cottage.
Et aussi des noms mystérieux : Adine, Arak, Tsara, Cyrnos, le Riffard, Lalin Xandra, Mary-Poly, Zalameth.

 



Belvédères, tourelles, toits-terrasses sont indispensables sur la colline pour jouir au mieux de la vue sur la mer.




Quelques négociants, plus pratiques qu'esthètes, y guettent l'arrivée de leurs navires chargés de précieuses cargaisons.



"Cette terrasse, c'était un peu la vigie vers la haute mer ; et c'est grâce à elle que je pouvais dire chaque jour : "tiens, voilà le courrier d'Alger" ou suivre, une fois par semaine, l'énorme paquebot blanc, qui partait vers l'Extrême-Orient, et le Japon lointain." G H Gimmig. La Maison Assassinée.

Le style chalet est fantaisie architecturale que l'on rencontre dans plusieurs constructions fin 19° sur la colline de la Garde.




Si très peu de statues mariales ornent encore les façades du quartier, on voit cependant ça et là les socles vides de statues ayant été disparu.



Curieux mélange de styles, traverse Pey : une frise "chalet" et des fenêtres ogivales sur une tourelle.




BALUSTRES ET BALUSTRADES

Les balustres, petites colonnades (italiennes à l'origine) doivent leur nom au renflement qui les fait ressembler à une fleur de grenadier sauvage. Elles forment des balustrades très usitées sur notre colline.


Au début du XX° siècle, M. Lié les fabrique, rue de l'Étoile (en particulier celles posées à l'hôtel Bompard).




En 1912, Henry Anastay, pharmacien rue de l'Arbre, achète une petite villa, vallon de l'Oriol. (L'aile droite a été rajoutée ultérieurement).


"Je t'emmène à la campagne, voir la mer" dit-il à sa femme Isabelle.


On peut encore admirer la balustrade bordant la terrasse supérieure de la villa Isa et le magnifique treillard en façade sud.

 


LA CAMPAGNE GAMBIE

Charles Auguste Verminck acquiert 12 lots situés entre la rue d'Endoume, la rue Vagué à la Mar et le Bd Bompard entre 1860 et 1874.

En 1908, la grande maison est louée au consul d'Allemagne; la petite maison attenante ainsi que toutes les plantes notées dans l'inventaire font parti du bail consenti au jardinier Cornand.



Ces 2 maisons, l'ancienne gendarmerie et le terrain attenant sont vendus  en 1914, au décès de C. Verminck, par adjudication à Léon Charve, doyen honoraire de la faculté des sciences.

En 1997, ultime morcellement d'une campagne où, paraît-il, le roi d'Espagne, Charles IV, exilé à Mazargues, venait chasser entre 1808 et 1812. On raconte encore que le petit pavillon de chasse (agrandi par la suite) abrita ses amours secrètes.


Les nombreux arbres de la Gambie
 
La Gambie : l'entrée
 
La serre transformée en appartement (1989)

 


 

De la propriété "Les Noisetiers", il ne reste que la grande bâtisse connue sous le nom de "gendarmerie". Elle dégringolait jusqu'au bas du bd A. Autran où se trouvait son portail d'entrée (au niveau du Petit Casino). Puis le terrain a été loti… En 1942, la maison a été réquisitionnée par l'armée allemande, et en 1945 abrita la Gendarmerie nationale.

 

 

De l'autre côté du boulevard, la Présidente, campagne des blanchisseuses, laissa place à une quantité de petites maisons laides ou prétentieuses selon G. H. Gimmig, puis à des immeubles.

Dans la rue Ste Eugénie, on se souvient de l'entrée des fiacres et des magnolias du "château" Labara.

Dans les 4 contours, deux "châteaux" : celui des Grafeuille au 88 et un autre au 69.

Les deux villas que l'on voit sur cette carte postale ont disparu lors de l'élargissement de la Corniche et la démolition de la Réserve.

La villa dite "Paquet" fut bâtie vers 1889 sur une avancée de rocher que Casimir Pey avait acheté aux Ponts et Chaussées en 1886. Elle appartint par la suite à Nicolas Paquet, armateur. Les riverains se souviennent des marins en faction devant l'entrée et surtout d'une passerelle qui reliait la maison à une tourelle érigée sur un îlot proche. Le dernier acquéreur fut la Banque Française d'Afrique.


Note : Autre Pey, Jean Baptiste Louis Michel qui possédait du terrain en haut de la traverse Pey et Barthèlemy qui a cédé des terres pour ouvrir la rue Perrinet-Pey.

 

 

 

La villa au 1° plan est intéressante pour son style. Elle a été démolie, mais on trouve encore sur la colline de la Garde, des bâtisses présentant une architecture voisine. De forme cubique, ceintes d'un bandeau en ardoises grises, elles ont été vraisemblablement voulues lourdes et austères par des propriétaires aisés, ne désirant pas s'intégrer au gai désordre des cabanons voisins accrochés au flan de la colline.

 

LA VILLA VALMER

Dominant la promenade de la Corniche, ce "château" fut conçu en 1865 par l'architecte Henri Condamin, pour Charles Gounelle (directeur d'une huilerie). En 1867, Mgr Place, évêque de Marseille, bénit le grand bâtiment et consacra la chapelle attenante. Une des filles de Ch. Gounelle, la comtesse de Villechaise en hérita, ultérieurement.

 



En 1940, la villa fut réquisitionnée par la Kriegsmarine, puis elle abrita l'école de la Marine Marchande, de 1945 à 1965.


Depuis 1975, les services de l'Urbanisme de la ville occupent les lieux : si les chambres et la chapelle sont devenues des locaux administratifs, le grand escalier et les pièces de réception conservent leur style pompéien et le parc, bien entretenu, est une agréable promenade avec une vue magnifique sur la rade et les îles.




LA VILLA GABY

Le terrain, en bordure de la Corniche, a été acheté tout d'abord par Houille de la Chesnaye. Le banquier Léon Bonasse y fait bâtir la villa  "Lafont". L'industriel J B Rubaudo, propriétaire jusqu'en 1918, cède la villa dite "Maud" à Gabrielle Caire (nom d'artiste de Gaby Deslys).



La serre de la villa Maud

Née à Marseille, en 1881, cette artiste de music-hall monte à Paris pour faire carrière. Elle y rencontre en 1909 le roi du Portugal, Manuel, qui la couvre de ses largesses. En 1911, la chanteuse s'envole pour les USA où elle accroît sa réputation internationale. Sa liaison avec le danseur Harry Pilcer durera malgré les scandales, jusqu'à sa mort (1920). Par testament, elle lègue sa villa à la Ville de Marseille afin d'en faire un hôpital. La villa en hommage à la légatrice s'appelle "Gaby".

 

PETITE HISTOIRE D'UNE MAISON

Vers 1890, traverse Pey, une demoiselle Michel tient un genre de tripot, là n'est pas l'essentiel de l'histoire… Elle est surtout amoureuse d'un prêtre tout comme son amie qui demeure dans la propriété mitoyenne Hélios, dans le bd Véran.

 



La propriétaire des Charmettes obtient les faveurs de l'homme d'église ; la demoiselle d'Hélios dépitée, fait alors construire une petite maison au fond de son jardin, tout contre la façade de son heureuse rivale, lui levant à tout jamais la vue sur la mer.
Histoire narrée par M. Allemand.



 

Textes et documemts photo, composition :
Monique Bonavia-Michelet

 

 Éditeur : "La Butte Bompard"

 


La campagne Bec
Photo C. Raffin - 1915
 
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