Les services publics |
Octobre 1999 N°3Lessive à la Campagne Bec Au 19° siècle, les Marseillais montent à pied sur la colline de la Garde, le dimanche, pour passer une journée au cabanon ou à la "campagne". Dans ces habitations très simples, le confort est minime : des murs et un toit, une réserve d'eau, un feu de bois, une table et des chaises rustiques, un treillard ombragé sous lequel il fait bon boire le pastis, un figuier propice à de longues siestes … Le propriétaire des lieux profite de ses heures de loisirs pour améliorer sa petite résidence secondaire : il l'agrandit, il y plante des arbres ou des fleurs, (ci-dessous, traverse Mathias), il la personnalise en lui donnant un nom, il l'agrémente de décors de rêve, les rocailles.
L'arrivée de l'eau du canal, du gaz de ville, de l'électricité, du tramway et les suites économiques de la guerre 14-18 ont pour conséquence l'occupation permanente de l'habitat sur les zones les plus reculées de la colline.
Dans la cuisine
La toilette se fait à la pile. Le luxe est d'avoir un ensemble de toilette : tian et pichet en porcelaine décorée sur un support en rotin.
La lessive. Sur la colline, de nombreuses blanchisseuses travaillent : rue Perlet, rue Turcon, rue Ste Eugénie, bd A Autran…
Rue Ste Eugénie, devant la droguerie, la "réclame" d'un savon.
D'autres marques de "savon de Marseille" : l'Abeille, le Fer à Cheval, l'Abat-jour, le Naturel, le Rationnel, ornent la devanture de l'épicerie Chaillol, 185 rue d'Endoume, en 1905. La bugadière, "per colar la bugade".
Dans un chaudron en fonte, l'eau additionnée de cendres peut bouillir longuement sur le feu de bois. Par la suite, l'âtre est encore utilisé avec la lessiveuse : dans une cuve en tôle galvanisée, un "champignon" assure la circulation d'eau bouillante additionnée d'un produit détersif.
Les fontaines Des fontaines publiques se trouvent : Devant le 40 bd Bompard Angle rue Ste Eugénie/ch du vallon de l'Oriol. Angle rue Ste Eugénie/bd Bompard, devant le bar Giaconi. Devant l'école Bompard (sur le trottoir, on peut toujours voir la grille où l'eau giclait sur tous les gamins du quartier actionnant la manivelle par simple jeu). L'EAU Pour toute correspondance avec le service des eaux les usagers disposent de la "boite du canal". En 1885 : 238 rue d'Endoume et 70 rue Ste Eugénie En 1891 : 31 bd Bompard En 1920 : 16 place St Eugène d'autres, 2 rue Peyronet et devant l'école Bompard. Les usagers font souvent appel au fontainier. Lavoir, place St Eugène. Bains publics. 2 établissements desservent la colline en 1865 Quartier St Lambert, rue Therond, Mme Granet Chemin d'Endoume 27, Célestin Richelme Plus tard, s'ouvriront d'autres bains à la rue Charras. L'ECLAIRAGE Dans les rues : des réverbères fonctionnent au gaz de houille de 1857 à 1913. Les allumeurs et leurs longues perches d'allumage sont remplacés en 1909 par des allumeurs automatiques ; les vitres de ces lanternes offrent une cible de choix aux petits voyous du quartier. Gaz ou électricité, telle est la question que se pose le conseil municipal en 1912. La haute tension fournit l'industrie depuis 1908 et depuis la formidable exposition sur cette nouvelle énergie les Marseillais sont séduits. L'électrification totale de la ville est décidée en 1920, la Corderie équipée en 1925, il faut attendre 1933 pour que toute l'agglomération profite de ce nouvel éclairage. On peut encore voir sur quelques rares façades les plaques signalant les abonnés à la Sté du gaz et de l'électricité. Dans les maisons En 1915, impasse Bec, la famille Raffin dispose pour s'éclairer : d'un bec de cane alimenté au gaz de ville dans la cuisine de lampes "Pigeon" pour les chambres d'un lustre à pétrole dans la salle à manger, plus tard avec gaz. Les cris des rues
Pour les escargots, la marchande promène sa marmite pleine d'eau (aigo) et de sel (sau) tout en chantant : a l'aigo sau les limacons, y en a des gros et des pitchouns. Autre modulation pour : li pettora a a…bo de Garda a a…nne. Un cri allongé : l'estrassaï aï.. aï.. aï.. re, pour la collecte des estrasses et ravans et aussi pour Vi i i trier…. vi…i…i…trier. L'estamaïre s'accompagne en frappant sur poêles et casseroles. L'acheteur de peaux de lapins jette haut et clair ses peï…peï…peï… Le dimanche matin passe la marchande d'épingles : les petitones…les petitones… (et les grossetones alors, lui répondent les enfants). On entend aussi : 2 sous le melon à la taste…2 sous… Ré é…parateur de porcelaines et de parapluies…ré é…parateur, Ai…guiseur ai…. guiseur ,Tondeur de chiens.
La brousso dou Rove, cri doublé par un son de trompe, annonce les délicieux petits fromages de chèvres transportés depuis l'Estaque dans des cornets en métal. Se fait aussi entendre la poissonnière remontant du port, son panier sur la tête : peï de roquo…sardino vivo… Le jeudi, les enfants attendent avec impatience la trompe qui annonce l'arrivée d'Alfred avec son triporteur et ses cornets de glace, ou encore le marchand de chichourles, ou de suce-miel et nougats d'Allauch. Le charbonnier Morbelli parcourt le quartier avec sa charrette tout comme les laitiers Colombero et Delchini. Sont livrés aussi "à l'oustau" : pain, œufs, viande… Tous les matins, des pains de glace enveloppés dans de la toile de jute. sont déposés sur les seuils de ceux qui possèdent une glacière. (D'après les souvenirs de Marcelle Peri-Dellepiane et Louis Dellepiane). Le nettoiement Les ordures ménagères sont ramassées dans des couffins, puis transportées par des tombereaux tirés par 1 ou 2 chevaux.
Sécurité publique En 1855, Girard est garde champêtre au quartier rural d'Endoume (13° circonscription) ; en 1885,ce travail est effectué par Bienvenu Boyer. Le commissaire de police De Maximy est signalé en 1855 et 1885 (sans précision d'adresse), mais en 1865, l'indicateur marseillais indique que le commissariat d'Endoume est 34 rue Sainte. En 1891, le commissariat de police du 21° arr. est au 237 rue d'Endoume. Les habitants se souviennent du poste de police rue Charras (avec une geôle grillagée en sous-sol), puis ensuite au 34 bd Bompard (jusqu'à la fin des années.50.) Une grande cape en drap bleu marine avec capuchon, donne aux agents cette silhouette si particulière qu'on les surnomme "les hirondelles".
En 1865 la gendarmerie maritime est au 45 rue d'Endoume. La brigade de gendarmerie, créée en 1875, par décision du ministre de la guerre, siège au 217/219 rue d'Endoume jusqu'en 1945 où elle est transférée 25 bd A Autran. En 1885, le brigadier se nomme Gabriel, en 1891, c'est B Prat. Le maréchal des logis chef de la gendarmerie à pied d'Endoume est Grégoire.
Transports en communs
En 1909, sur les motrices ouvertes, les wattmen sont dotés de peaux de biques. Le 16 novembre, la population en liesse pousse la 1° motrice qui atteint le nouveau terminus dénommé "Rue du Soleil".
A St Victor, se fait la "relève" des employés, là même où se trouvait autrefois l'octroi : une baraque abrite les wattmen qui attendent de prendre leur service ; les usagers peuvent aussi y acheter des tickets. Les mots bifurcation, relève, octroi ont une signification pour les anciens qui les emploient encore : "Je suis monté à la relève". Deux banquettes latérales, face à face, obligent les voyageurs à se regarder tout le long du trajet : dans ce "tramway des fadas", chacun est tour à tour observé, critiqué, admiré, car tous prennent le tram : le comptable élégant camélia à la boutonnière, la chanteuse cabotine qui raconte les menus détails de sa vie familiale, le pianiste qui accompagne les films muets à l'Odéon, l'organiste qui malgré sa cécité a appris à monter en marche, l'extravagante blonde avec ses accroche-cœurs noirs, ses décolletés vertigineux et ses chapeaux encombrants… (souvenirs de M et Mme Lopez). Le circulaire Corniche promène souvent des grappes humaines accrochées sur ses marchepieds, rendant la promenade piétonne côté mer, extrêmement dangereuse. (Le tramway passe à moins de 50cm du parapet et on a déploré plusieurs accidents). L'itinéraire de la ligne 83 : Corderie, Corniche, Prado, cours st Louis est inverse de celui de la ligne 82 nommée circulaire Prado. Succédant à la traction animale, la traction électrique présente de nombreux avantages : fréquence, régularité et prix qui contribuent à son succès pendant un demi-siècle sur tout le massif de la Garde.
Le receveur placé à l'arrière du tram coche avec un crayon fuchsine, les premiers tickets ; plus tard, il utilise une machine à manivelle, oblitérant 2, 3 ou 4 tickets selon le nombre de stations parcourues, puis vient le ticket unique.
1945 voit l'apparition des trolleybus : les usagers du 61, habitués à la stabilité toute relative des tramways empruntant la rue Grignan, déposent une pétition auprès du CIQ afin que le trolley ne descende plus la rue Fort Notre Dame craignant que le voyage ne se termine dans les eaux du Vieux-Port !
Santé publique Les médecins En 1865, le service médical du 1° arr. (Catalan, Endoume, N D, Roucas) est au 82 rue d'Endoume, cabinet du Dr Bayle.
Ici, coton et gaze achetés en gros sont ensachés pour les pharmacies.
Les pharmacies
Avant la guerre de 14-18, M. Carle désire que sa maison profite à des enfants. Le "château" ainsi offert à l'Association des Dames Françaises devient un hôpital pour enfants déshérités. L'armée le réquisitionne et en fait un centre de formation paramilitaire en 1939, puis une école d'infirmières coloniales en 1941. En 1949, après des transformations, un centre antituberculeux y prend place.
Une nouvelle orientation en 1973, toujours dans l'esprit de M. Carle, transforme le "château" en foyer pour enfants infirmes cérébraux-moteurs et ce, pendant une vingtaine d'années. La propriété est ensuite vendue, la pinède cède la place au béton. Sur la Corniche, un autre généreux donateur, Jean Martin, crée en 1903 dans sa propriété, un sanatorium hélio-marin pour enfants. Légué aux Hospices civils en 1920, l'établissement poursuit cette vocation sanitaire jusqu'en 1977 ; il abrite désormais des services de l'Assistance Publique.
La poste
En 1905 un petit bureau auxiliaire des PTT, avec cabine téléphonique, s'ouvre au 17 bd Bompard (en 1988, quelques traces de peinture en témoignent encore, alors que la nouvelle poste a déménagé dans des locaux plus spacieux au n° 50).
Les pompiers Jusqu'en 1939 un poste de pompiers loge au 123 rue d'Endoume. Il est doté d'une pompe à bras tirée par 4 hommes (l'un des sapeurs est cordonnier, un autre tailleur). La manche est enroulée sur une roue de vélo mais faute de savoir monter à vélo, le pompier doit pousser… De plus, la porte du poste est très étroite, la pompe sort difficilement… La nuit, une lanterne verte signale la présence du poste.
Calèche sur la Corniche (photos Camille Raffin 1915)
Textes et documents photo, composition : Monique Bonavia-Michelet. Editeur : Association "La Butte Bompard" Octobre 1999 Reproduction, même partielle non autorisée sans l'accord des auteurs.
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